vendredi 23 janvier 2015

«Ce n'est pas l' Islam...» ? - Rémi Brague, André Malraux, Paul anel



Rémi Brague : « Dieu des Chrétiens, Dieu des Musulmans » [*]


Rémi Brague : « Dans les gènes de l’islam, l’intolérance » [*]

André Malraux: « Note sur l'Islam » 1956 [*]

Paul Anel: « Le défi qui attend l’Islam, ou ce que la tragédie du 7 janvier nous enseigne »  [*]


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Rémi Brague : « Dans les gènes de l’islam, l’intolérance »

Rémi Brague est philosophe et historien de la pensée médiévale arabe et juive. Il est l’auteur, entre autres, de « Europe, la voie romaine » (1999), « La loi de Dieu. Histoire philosophique d’une alliance » (Gallimard, 2005), et de « Modérément moderne » (Flammarion, 2014). Il s’exprime au sujet des assassinats de Charlie Hebdo :

« L’attentat contre les dessinateurs de Charlie Hebdo rappelle de vieilles histoires qu’il me faut malheureusement rappeler ici.



À l’époque de Mahomet, dans l’Arabie du début du VIIe siècle, il n’y avait évidemment pas de journalistes, faute de journaux, d’imprimerie, etc. Mais il y avait des poètes. Leurs vers, transmis d’abord de bouche à oreille, pouvaient être louangeurs ou satiriques. Ils influençaient l’opinion, comme le font de nos jours les organes de presse. Lorsque Mahomet se mit à prêcher son dieu unique, prétendit en être le messager et se mit à légiférer en Son nom, déclarant ceci « permis » ou cela « interdit », certains de ces poètes se moquèrent de lui. Mahomet savait pardonner à ceux qui l’avaient combattu, mais ne tolérait pas qu’on mette en doute sa mission prophétique. Il demanda donc qui allait le débarrasser de ces poètes. Des volontaires se présentèrent et les assassinèrent. Ils tuèrent d’abord Ka'b ibn Achraf, un juif, puis Abou Afak, un vieillard, enfin Asma bint Marwan, une femme qui allaitait. Leurs meurtres sont racontés dans la plus ancienne biographie de Mahomet, « La vie de l’envoyé d’Allah » (Sirâ) d’Ibn Ichak, éditée par Ibn Hicham vers 830. Abdourrahman Badawi en a donné une traduction rocailleuse, mais intégrale (Beyrouth, Albouraq, 2001, 2 vol.), qu’on préférera aux nombreuses adaptations de ce texte, qui sont toutes plus ou moins romancées. Mahomet assura les assassins qu’ils n’avaient commis aucune faute, un peu dans l’esprit du verset du Coran : « Ce n’est pas vous qui les avez tués ; mais Dieu les a tués » (sourate VIII, verset 17 a).

On comprend l’embarras des musulmans d’aujourd’hui. Je ne possède pas de statistiques fondées sur des sondages d’opinion parmi eux, mais tout nous invite à croire que leur grande majorité désapprouve ces crimes. Et, en tout cas, ceux qui s’expriment les condamnent sans nuances. Ce qui est à leur honneur. Mais, au-delà du refus constamment réitéré, et d’ailleurs légitime, de l’« amalgame » et de la « stigmatisation », comment dire que ces agissements n’ont rien à voir avec l’islam ? Le Coran appelle Mahomet « le bel exemple » (sourate XXXIII, verset 21), qu’il est loisible, voire louable, d’imiter. Comment ne pas comprendre que certains se croient autorisés à commettre en son nom et pour le venger ce genre de crimes ? »

Il répondait aussi à Atlantico au sujet de ces attentats.


« À chaque attentat terroriste revendiqué par les djihadistes, l’origine de la radicalisation de l’islam fait débat. Enfermés dans des écrits d’une autre époque, certains croyants sont pris dans une spirale de violence sans fin. La faute à une religion qui peine à s’adapter à son temps.

Atlantico — Quelle est la marge de manœuvre de l’islam relativement à la parole de Mahomet ? Pour quelles raisons ?

Rémi Brague — Mais ce n’est pas la parole de Mahomet ! Le Coran, pour les musulmans, c’est la parole de Dieu, et en un sens très littéral, il a été dicté par Dieu. Dieu est pour eux l’auteur du Coran de la même façon que Flaubert est l’auteur de Madame Bovary. Mahomet n’a fait que prendre à la dictée. Il est certes le "bel exemple", ce pour quoi ses déclarations et ses actions (hadith) peuvent servir de sources de droit.

Tout le monde parle d’interpréter le Coran. Mais si c’est Dieu qui y dicte ses volontés, on ne pourra guère interpréter que le sens des mots. Le voile des femmes restera un voile ; on s’interrogera seulement sur sa longueur et son opacité.

Atlantico — Peut-on considérer que l’islam est piégé dans une interprétation figée de cette parole ? Quelles en sont les conséquences concrètes pour les musulmans ? Quel peut être le rapport de l’islam à la modernité ?

Rémi Brague — Il est déjà trompeur de parler de "théologie". C’est un mot chrétien, emprunté lui-même à Platon qui l’a forgé pour la première fois. Il désigne la tentative d’une exploration des mystères divins au moyen des instruments de la raison, et en particulier de la raison philosophique. Les philosophes arabes ont essayé quelque chose de tel, qui a tourné court.

Il faut plutôt chercher la réflexion des penseurs musulmans du côté de ce que l’on appelle le Kalâm, qui est une entreprise apologétique. On y cherche à montrer que les dogmes islamiques, supposés vrais et clairs en soi, sont plausibles, et que ceux des autres religions sont absurdes.

Le fait que l’islam soit vieux de quatorze siècles n’est pas décisif en soi. Si Mahomet avait vécu à la même époque que Joseph Smith, le prophète des Mormons, cela ne changerait rien. Ce qui est vraiment décisif, c’est l’idée d’une dictée d’un texte par Dieu, qui est éternel et omniscient.

"Islam" et "modernité", voilà deux mots sous lesquels on peut mettre mille choses. Tout dépend de ce que l’on entend par "islam". Le mot désigne une religion, une civilisation et des populations. Et la "modernité" est une période de l’histoire pendant laquelle sont apparues des choses plus ou moins bonnes. Bien des gens, dans les pays dans lesquels l’islam est la religion dominante, aspirent à certains aspects de la modernité. Ils se méfient d’autres. Et je les comprends. Nos sociétés "modernes" se portent-elles si bien que cela ?

Atlantico — Les différentes branches de l’islam sont-elles confrontées à la même difficulté ?

Rémi Brague — Le chiisme a formé un clergé, ce qui lui assure une certaine cohérence et de la discipline.

Atlantico — Il n’y a pas de clergé côté sunnite. Est-ce une raison des dérives ?

Rémi Brague — Non, mais l’absence d’un magistère interdit de distinguer ce qui représente légitimement l’islam et ce que l’on considère comme des déviations. Personne n’a le droit de dire : "tout ceci n’a rien à voir avec l’islam !"

Atlantico — Une institutionnalisation de l’islam est-elle possible ? À quelles conditions ?

Rémi Brague — Qui pourrait la réaliser ? Certainement pas les gouvernements occidentaux qui déclarent représentatifs les partenaires qu’ils choisissent de se donner, et qu’ils choisissent en fonction de leur docilité.

Atlantico — Il y a quand même différentes formes d’islam ?

Rémi Brague — Bien sûr, il y a des variétés selon les pays, le substrat culturel des peuples qui sont passés à l’islam est très divers. Il y a le sunnisme et le chiisme. Il y a de plus différentes écoles juridiques, quatre principales en islam sunnite. Il y a différentes confréries mystiques.

Rémi Brague — Reste que tous les musulmans sont d’accord sur l’authenticité du Coran, sur le caractère exemplaire de la vie de Mahomet, sur la direction de la prière et du pèlerinage vers la Mecque... Quant aux musulmans concrets, ou aux gens que l’on appelle ainsi, les plaquant de la sorte sur leur identité confessionnelle, leur rapport à leur religion est très varié, un peu comme chez les chrétiens. Avec cette différence que l’identité religieuse et l’identité culturelle sont plus étroitement liées.

Atlantico — Qui a aujourd’hui l’autorité en islam pour faire évoluer l’interprétation des textes, mais aussi pour sanctionner celles qui sont non conformes ? Le recteur d’al-Azhar ? À quelles conditions pourrait-il être amené à le faire ?

Rémi Brague — Restaurer le califat, qui était déjà l’ombre de lui-même quand Atatürk l’a officiellement supprimé en 1924, c’est depuis lors le rêve de beaucoup de musulmans. Ce rétablissement ne serait pas un mal, nous devrions peut-être même le souhaiter. Déjà, cela rendrait plus difficile l’autoproclamation d’un prétendu "califat" comme celui que l’on a avec les gens de ISIS.
Mais il faudrait pour cela que les musulmans se mettent d’accord entre eux. Le fondement dernier de quelque chose comme une doctrine officielle, une sorte d’orthodoxie, est l’accord unanime de la communauté. L’ennui est que l’on ne sait pas qui a le droit de formuler cet "accord unanime". Les autorités des établissements d’enseignement comme al-Azhar ne sont que de fait, et elles n’ont rien de contraignant. »

Sources : Le Point et Atlantico

"Le Coran" traduit en Français: ici

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Rémi Brague : « Dieu des Chrétiens, Dieu des Musulmans »



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(Source: revue Communio)

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André Malraux: « Note sur l'Islam » 1956



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(Source: AndréMalraux.org)

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"Le défi qui attend l’Islam, ou ce que la tragédie du 7 janvier nous enseigne" de Paul Anel


Si la douleur et la confusion provoquées par la tragédie de l'attentat contre Charlie Hebdo appellent dans l'immédiat à la compassion et au recueillement, déjà la question se pose des causes de cet acte. Il n'échappe à personne qu'au delà du parcours individuel suivi par les criminels, la question de la cause conduit nécessairement à interroger plus généralement l'Islam et notre rapport avec lui. Cette question n'est pas nouvelle, mais elle se pose pour la France avec une acuité sans précédent. C'est une question délicate en soi, rendue plus délicate encore par le climat de peur désormais attaché à cette problématique, climat qui tient en quelque sorte la raison ligotée, et conduit beaucoup à se réfugier dans la sécurité du "politiquement correct." Pour une part aussi, cette précaution un peu excessive est justifiée: on a peur de l'amalgame et on craint de condamner en bloc ou de diaboliser une religion qui produit par ailleurs en beaucoup des fruits authentiques de religiosité.


Modéré ou fondamentaliste, une distinction inadéquate

Modéré ou fondamentaliste. Voici la distinction que l'on brandit systématiquement pour se garder justement de cet amalgame, et tracer au sein de l'Islam une frontière entre "bons" et "mauvais" musulmans. Cependant, cette distinction me semble non seulement simpliste mais dangereuse. En effet, si être "fondamentaliste", dans une religion, signifie être fidèle aux fondements, alors un bon religieux est un fondamentaliste. Dans cette perspective, faire l'éloge des modérés, ce serait, semble-t-il, faire l'éloge des tièdes ou de ceux qui font des compromis avec le monde. Par ailleurs cette distinction ne trace qu'une frontière relative, quantitative, entre terroristes et bons musulmans (les uns sont très fidèles au Coran, les autres un peu moins), et par conséquent cela revient à affirmer que tout musulman se trouve comme sur une pente glissante qui conduit, par degrés presque insensibles, au terrorisme qui est à l'origine du massacre de la rédaction de l'hebdomadaire satirique.

La question n'est pas tant celle de la fidélité (plus ou moins grande) aux fondements de l'Islam, mais plutôt celle de la nature de ces fondements. En effet, le jihad, la guerre sainte, est un fondement de l'Islam, et le Coran est très explicite quant au fait que cette guerre n'est pas une guerre personnelle contre le péché, mais une guerre visant à éliminer les infidèles, c'est à dire les non musulmans, au premier rang desquels l'occident chrétien. Donc lorsque l'on dit qu'il serait bon que les musulmans condamnent explicitement l'attentat contre "Charlie", c'est certainement juste, mais c'est insuffisant. Il faudrait que les musulmans aillent plus loin et condamnent l'enseignement du Coran sur la "guerre sainte". Mais là on touche le cœur du problème, car reconnaître cela, c'est reconnaître que le Coran n'a pas été dicté à Mahomet par l'ange Gabriel, et par conséquent que ce fondement de leur histoire est mensonger ou hallucinatoire.

La relation à l'Ecriture Sainte

Par mode de parenthèse, précisons que la théologie judéo-chrétienne d'une part et la théologie musulmane de l'autre diffèrent fondamentalement sur la question du rapport à l'Ecriture Sainte, et que de ce point de vue l'expression "religions du livre" crée une confusion sur un point fondamental. Juifs et chrétiens affirment en effet que les auteurs ont été inspirés et assistés par Dieu dans la rédaction des livres bibliques, mais d'une manière qui respecte leur personnalité et leur liberté. La Bible doit par conséquent être lue avec foi, mais aussi avec une raison active, qui cherche l'esprit au delà de la lettre. La lecture historico-critique, qui replace les textes dans leur contexte historique afin de mieux en comprendre les images, les mots, les intentions, est une pratique qui ne pose aucun problème pour juifs et chrétiens, de même que l'étude du "genre littéraire" qui invite à lire différemment, par exemple, un livre historique (l'Exode) et un livre poétique (le Cantique des Cantiques). "La foi appelle la raison", pour citer un vieil adage. En revanche, la théologie musulmane repose sur le fait que le Coran a été dicté littéralement à Mahomet, la lettre en provient donc directement de Dieu sans que l'instrument humain (Mahomet) n'ait sur elle aucune influence. Par conséquent il ne saurait être question de "genre littéraire" ou de "lecture historico-critique", mais seulement d'une soumission inconditionnée de la raison à la lettre du Coran. [1]

On comprend donc que critiquer l'enseignement du Coran sur le jihad, ou même en promouvoir une lecture spirituelle, non littérale, représente un changement de paradigme très profond pour l'Islam. [2] Critiquer les fondations, confesser que pour une part elles tiennent du mensonge ou de l'hallucination, cela ne conduirait-il pas à faire s'effondrer tout l'édifice, ou du moins à le fragiliser considérablement? Au contraire, l'Islam en ressortirait plus fort et plus libre, car seule la vérité rend libre. Ce travail de vérité permettrait en outre de rendre à l'Islam son véritable fondement: non pas une soi-disant révélation faite par l'Ange Gabriel à Mahomet (une affirmation absolument incompatible avec la révélation chrétienne), mais le "sens religieux" qui se trouve naturellement en tout homme, et qui, pour une large part, a trouvé un canal et une forme d'expression dans les traditions et les institutions de l'Islam, qui a produit tout au long de l'histoire des fruits magnifiques dans le domaine de la mystique, de la culture, et surtout dans tout ce qu'il y a d'authentique prière chez des millions de fidèles musulmans. Que les musulmans fassent la vérité historique sur Mahomet (comme les anglicans, qui depuis longtemps déjà relisent avec humour et détachement les affres de Henri VIII et ses affaires de cœur, à l'origine du schisme anglican), et tous ces trésors issus de la religiosité naturelle de l'homme demeureront comme le fondement solide et véritable de l'Islam.

Libérer la raison

Ce n'est donc pas la distinction quantitative entre "modérés" et "fondamentalistes" qui peut nous aider à sauver ce que l'Islam a de bon, mais plutôt une distinction qualitative entre un Islam qui libère la raison et un Islam qui la tient esclave de la lettre et, ultimement, du mensonge. Et du mensonge ne peut venir que la violence, puisqu'il faut sans cesse le justifier et le défendre contre toute intrusion de lumière et de vérité, sans quoi il s'effondre. [3] Il n'est pas surprenant que les moqueries de Charlie Hebdo contre Mahomet et le Coran aient déclenché une telle violence, car elles touchent au point le plus sensible et le plus fragile de l'Islam. Espérons que cette tragédie aide ceux pour qui l'Islam est l'expression d'une religiosité authentique (et non d'une idéologie qui, sous couvert de religiosité, cherche le pouvoir et la domination), espérons qu'elle les aide à entrer toujours davantage, individuellement et collectivement, dans une confession courageuse de la vérité qui rend libre.

Enfin, et puisqu'il est question de confession, à nous aussi, "l'occident", de faire la nôtre est de reconnaître que pour une part nous récoltons ce que nous avons semé. L'Islam avait réussi malgré tout à développer des formes plus pacifiques et à vivre en bonne entente avec ses voisins, chrétiens notamment. Si l'on assiste à l'explosion de cette cohabitation parfois séculaire (au Liban par exemple, et dans bien d'autres pays) et à la résurgence d'un Islam radical et militaire, c'est pour une part une conséquence de l'affadissement inversement proportionnel de notre propre civilisation. C'est l'analyse que fait notamment l'Islamologue Fares Gillon: "Face à la chute des anciens modèles occidentaux, les jeunes déracinés que nous avons produits cherchent à reprendre racine. Que certains se tournent vers l’Islam, comme vers un modèle qui leur semble traditionnel et producteur de sens, doit être compris comme une réaction au modernisme du déracinement culturel." [4] Le "problème de l'Islam" n'est pas uniquement celui de l'Islam, et il ne pourra être engagé sur la voie d'une solution que par une humble et courageuse confession, de part et d'autre, la confession étant la première et nécessaire étape d'une vraie renaissance.


A lire également sur Terre de Compassion: Qui nous gardera de la barbarie (Paul Anel, 08/09/2014)


NOTES

[1] La question du rapport entre foi et raison, et la différence fondamentale qui s’observe de ce point de vue entre Judaïsme et Christianisme d’une part, et Islam de l’autre, faisait l’objet du célèbre « discours de Ratisbonne », prononcé par le Benoît XVI le 12 septembre 2006. Faisant référence à un dialogue de l’empereur byzantin Manuel II Palaiologos avec un érudit persan à propos, justement, du jihad, le Pape identiait le nerf de l’argument, et le cœur du problème, dans le fait que l’Islam écarte la raison: « Pour la doctrine musulmane […] Dieu est absolument transcendant. Sa volonté n’est liée à aucune de nos catégories, fût-ce celle du raisonnable." L'ampleur de la controverse déclenchée par ce qui, dans le discours du Pape, n'était qu'un point marginal développé en trois petits paragraphes, manifeste clairement que le Pape touchait là à un point juste et extrêmement sensible.

[2] Ce changement de paradigme n’est pas utopique, car il a existé à certaines époques, notamment vers la fin du premier millénaire. Cf. à ce sujet les propos à contre courant du Père Samir, sj, dans une interview récente. Ancien étudiant de Ratzinger, le Père Samir est un spécialiste de l’Islam. « Muslims did this in the Middle Ages: Avicenna, for instance, has a philosophical treatise on the so-called pleasures in heaven to explain that it cannot be physical pleasure. So they reinterpreted the Quran’s words on heaven’s pleasure a millennium ago, but, today, they developed with plenty of details all the so-called physical pleasures the mujahid [a Muslim engaged in the struggle to follow the path of Allah] will enjoy in heaven. It means that, now, they have regressed." Lire la totalité de l'entretien.[**]

[3] Sur le lien entre Islam et violence, nous renvoyons également à l'interview du Père Samir. Si toute religion ou tout mouvement peut être violent "par accident" (du fait de la violence de certains de ses membres par exemple, ou bien encore en conséquence de distortions idéologiques de celle-ci), l'Islam a un lien avec la violence qui est plus profond et touche à son essence, du fait des obscurités de sa genèse. "The main thing to note is that violence is an element of Islam. Violence is not an element of Christianity. When Christians were using violence in wars and so on, they were not following the Gospel, nor the life of Christ. When Muslims are using it, they are following the Quran and the sunnah and Mohammed’s model. This is a very important point."

[4] Lire la totalité de cet article sur le blog Philitt Sur cette question de la radicalisation comme réaction au relativisme, il faudrait également relire l'essai de Lévinas intitulé "La Philosophie de l'Hitlérisme." Il y explique que, dans le contexte d'une Europe post-Lumières, individualiste et désincarnée, l'hitlérisme avec sa proposition d'appartenance radicale offrait une réaction en quelque sorte naturelle, en cela qu'elle rendait à l'existence individuelle la possibilité de trouver un sens dans l'offrande de soi à quelque chose de plus grand (en l'occurence la race).

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jeudi 22 janvier 2015

Intervention de Jean-Frédéric Poisson sur la Fin de vie ce 21 Janvier 2015 à l' Assemblée Nationale











Madame la présidente, madame le ministre, madame la présidente de la commission des affaires sociales, mes chers collègues, lorsque le Parlement a adopté la loi de 2005 à l’unanimité, il l’a certainement fait en imaginant que ce serait davantage un point d’arrivée qu’un point de départ, ou quelque chose qui nous amènerait vers une étape supplémentaire.

Même si je n’étais pas sur ces bancs pour la voter, j’ai compris cette intention et je l’ai partagée, tout en étant par ailleurs convaincu – sans manquer de respect à notre collègue Leonetti – que les trous dans la toile qui subsistaient sur la nutrition et l’hydratation poseraient de toute façon, et de manière récurrente, un certain nombre de problèmes auxquels sont confrontées aujourd’hui les équipes soignantes et les familles.

Comme l’on dit les orateurs précédents, il y a dans notre société une angoisse injuste à l’égard de la mort. Elle n’est pas injuste parce qu’elle serait inégalement partagée ; malheureusement, chaque mort est singulière et la difficulté que nous avons à nous projeter dans la nôtre nourrit cette angoisse. Mais lorsque les institutions en général, la santé publique, se montrent peu capables d’y répondre et de rassurer une population entière sur les conditions dans lesquelles chacun d’entre nous pourrait être amené à passer de vie à trépas, cette angoisse est nourrie.

S’agissant des directives anticipées, je fais partie de ceux qui sont très dubitatifs à leur propos. Pour tout vous dire, sur l’invitation d’un de mes amis, j’ai commencé voilà quelques jours l’exercice consistant à en écrire pour moi-même ; c’est impossible.

On peut bien sûr écrire que si l’on était sur un lit d’hôpital avec le cerveau en bouillie, il faudrait tout arrêter, mais à part cela, que peut-on dire ? Comment se projeter dans un événement qu’on ne veut pas voir se réaliser, qu’on peine à imaginer, qu’on ne peut, par définition, expérimenter ? Comment imaginer les circonstances dans lesquelles on se trouvera au point d’être capable de préciser aux personnes qui s’occuperont de nous ce qu’il faudra faire dans tel ou tel cas ? Et d’ailleurs, comment imaginer ce que seront ces cas ? C’est impossible !

Et l’on voudrait que, sur cette base, les équipes qui entourent les patients prennent des décisions et respectent les volontés exprimées par eux, à supposer qu’elles aient été déclinées de manière complète ? Cela vise sans doute à faire en sorte que la responsabilité qui repose aujourd’hui majoritairement sur le corps médical soit, d’une certaine façon, transférée vers le patient. J’y vois le signe d’une volonté de la part du corps médical non pas de se défausser, car chacun connaît la capacité du personnel soignant à accompagner les patients en fin de vie, mais de ne plus se retrouver devant un tribunal pour avoir pris une décision contestable, comme cela a pu arriver voilà quelque temps.

Notre responsabilité dans cette affaire est de maintenir, voire de renforcer la confiance que la société entière place dans le corps médical. Et parce qu’il est le seul à disposer de l’expérience, de la science et de l’art médical suffisants pour estimer les situations, le corps médical doit rester le pivot de ce moment particulier de la fin de vie, même si cela comporte un risque, car personne n’est infaillible et que certains cas sont insolubles.

Il y eut dans l’histoire de la médecine en France, durant la période extrêmement trouble des années vingt et trente, ce qu’on a appelé la querelle des « incurables » : l’hôpital faisait alors le tri parmi les malades atteints de cancer entre ceux qu’il pouvait soigner et ceux qu’il ne pouvait pas soigner. Des médecins se sont opposés, en particulier à Toulouse et à Bordeaux, où le cancer a commencé d’être soigné. On triait ainsi les patients, un peu comme l’ont fait, dans des circonstances tout aussi brutales, les médecins de guerre dans les hôpitaux de campagne, lorsqu’ils décidaient de ne pas consacrer de temps à un malade qui n’avait aucun espoir de guérison pour se concentrer sur ceux qui pouvaient survivre. C’était l’hôpital des années trente pour les malades du cancer.

Petit à petit, malheureusement, la domination de la science, d’une pratique très scientifique de la médecine a sans doute déshumanisé la relation entre l’institution hospitalière et les patients. Mes chers collègues, les soins palliatifs ne sont pas seulement l’affirmation d’un droit pour tous ; ils sont aussi une forme de réponse à ce côté un peu trop scientifique et déshumanisé qui a dominé la pratique au sein des institutions médicales ces dernières décennies. Les soins palliatifs sont une tentative de rendre à nouveau plus humaine une pratique qui, par excellence, doit être empreinte de la plus profonde humanité.

Par conséquent, le texte qui nous est proposé aujourd’hui, à supposer que le futur projet de loi gouvernemental s’en inspire, présente trois risques à mes yeux, au-delà du fait que la question de la nutrition et de l’hydratation demeure, et constitue à mon sens une limite infranchissable quant aux situations dont nous débattons.

Premièrement, est-on en mesure de garantir que la sédation terminale profonde ne dérivera pas vers une pratique à caractère euthanasique, au sens de la volonté affirmée de mettre fin, quelles que soient les circonstances, à la vie d’un patient ?

Deuxièmement, je le répète, ce texte sera-t-il l’occasion de réaffirmer la confiance accordée par le corps social au monde médical ? Celui-ci doit pour cela prendre à son compte, et il faudra prévoir les moyens nécessaires à cette fin, l’essor, la propagation de cette culture palliative qui est la seule façon, de mon point de vue, de répondre de manière humaine, c’est-à-dire par l’accompagnement, à ces situations de fin de vie.

Troisièmement, je crains que la facile substitution de la pratique de la sédation aux soins palliatifs n’aboutisse purement et simplement à ce que la nécessité de propager la culture palliative dans le système de soins français ne se fasse plus sentir. Si tel devait être le cas, mes chers collègues, nous perdrions beaucoup, c’est-à-dire non pas dix ou vingt ans, mais cent quarante, cent cinquante, cent soixante ans par rapport aux débuts de la culture palliative, qui ont permis que ces disciplines soient aujourd’hui bien identifiées, très nourries et documentées, et que de nombreux bénévoles dans tout le pays y prennent part.

Si l’adoption d’un texte sur le sujet devait avoir pour conséquence une telle perte, mes chers collègues, alors nous réglerons peut-être quelques problèmes techniques, et permettrons, çà et là, à quelques-uns de nos concitoyens de terminer leur vie dans des conditions plus humaines qu’auparavant, mais nous perdrons la très grande richesse que représente la culture palliative en France, ce que je ne souhaite pas.

Blog de Jean-Frédéric Poisson: ici
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PROPOSITION DE LOI créant de nouveaux droits en faveur 
des malades et des personnes en fin de vie 
(Rapport Leonetti / Clayes) 21 Janvier 2015

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Archives du blog Fin de vie:


2015

Intervention de Jean-Frédéric Poisson sur la Fin de vie 

                      (21 Janvier 2015 à l' Assemblée Nationale)
"Débat Derville-Le Mené : L’union est-elle possible dans la défense de la vie ?
"Dormez, je le veux ! " par Sylvain Pourchet
"La sédation et les marchands de sable" Dr Sylvain Pourchet
"Fin de vie : chaque mot peut donner à une loi un sens irréversible" Dr Serge Duperret
                                              Gregor puppinck

2014
                   par @TDerville (3 dec 2014)
                                 (Cyril Douillet dans "Cahiers Libres")
                                 ( suite à celui de Nicole Boucheton - ADMD)
 dans les situations de fin de vie (Conseil de l'Europe)
                           avec Anne-Laure Boch et Bernard Lebeau  
                            la situation de Monsieur Vincent Lambert
                                      (Institut Européen de Bioéthique)

2013
2012
Rapport à François Hollande Président de la république Française
Euthanasie, soins palliatifs... La fin de vie en France n'est pas celle qu'on croyait
Fin de vie : l’Académie nationale de médecine se prononce
Fin de vie: "Même une personne vulnérable, fragile, abîmée reste digne jusqu’au bout"
Mission Sicard - Fin de vie : faut-il aller plus loin que la loi Leonetti ?
Le débat sur l'euthanasie devient un débat sur le suicide assisté
Vivre la fin de vie (RCF) avec Tugdual Derville
Le député UMP Jean Leonettio estime que la loi sur la fin de vie portant
son nom peut être améliorée.
L’exception d’euthanasie
Le droit devant la mort
Perdu d' avance ? (Euthanasie et Homofiliation )
Euthanasie: "Y avait-il une solution pour Vincent Humbert, Chantal Sébire ... ?"
Face à "La tentation de l' Euthanasie" - Bilan du #VITATour d' AllianceVITA
François Hollande relance le débat sur l'euthanasie (sur RND)
Euthanasie et mourir dans la dignité dans Carrément Brunet
avec Tugdual Derville & Jean Leonetti
"Au pays des kangourous" - Fin de vie et dépression , l' importance du "regard" de l' "autre"
Droit des malades et fin de vie, que dit la loi "Leonetti" ?
Euthanasie : Opération Chloroforme pour Jean-Marc Ayrault via @Koztoujours
Audio du Premier Ministre Jean-Marc Ayrault sur l’euthanasie
"Euthanasie : terrorisme intellectuel et complaisance politique"
L' Euthanasie n' est pas une valeur de gauche ...
Déclaration de l' académie Catholique de France sur la « FIN DE VIE »
"Rire et soins palliatifs, est-ce sérieux?" avec Sandra Meunier, clown art-thérapeute
Quels soins palliatifs pour demain ... lors de la journée mondiale des soins palliatifs sur RND
Le Groupe National de Concertation sur la Fin de Vie (GNCFV) propose au gouvernement l’organisation d’un débat public
"Sauvons Papi et Mamie" - Une campagne pour la VIE
"La fin de vie" dans RCF Grand Angle avec Tugdual Derville
Euthanasie: 10 ans d’application de la loi en Belgique (Mai 2002- 2012 )
Les AFC rentrent en campagne, pour une politique soucieuse des plus fragiles
Alliance Vita continue son "Tour de France de la solidarité" - #VITATour
Alliance Vita lance son "Tour de France de la solidarité"
Pourquoi la question de la fin de vie est-elle si politique ? avec Tugdual Derville
Tugdual Derville sur RCF au furet du nord de Lille - "Tour de France de la solidarité"
France Catholique: La tentation de l' Euthanasie, enjeu majeur de l' élection présidentielle
Fin de vie, faut il une nouvelle loi ? avec Tugdual Derville sur BFMbusiness




Archives du blog Avortement / Embryon:


De la recherche éthique avec les cellules souches embryonnaires… de sourisDécouverte de nouvelles cellules souches: les cellules STAP
(Fond Lejeune 29 Janvier 2014)
Les risques éthiques et philosophiques des cellules STAP
(Famille Chrétienne 26 fev 2014)

Rencontre avec le professeur Jérôme Lejeune :
"Pourquoi êtes-vous contre la pilule abortive"
Nouveaux tests de dépistage de la trisomie 21 :
états des lieux des protocoles de recherches en France (5 Octobre 2012)

CEDH : l’Italie forcée au DPI ? (AllianceVITA - 28 Aout 2012)
Vers une généralisation du nouveau test de dépistage de la trisomie 21 (3 Aout 2012)
Traiter la trisomie 21 : L'ère des essais clinique (1er Mars 2012)
Dépistage précoce de la trisomie 21 (allianceVita -19 Dec 2011 )
Trisomie : espoir de traitement (21 Nov 2011)
Généthique.org ( 20 oct 2011 )
Débat Jean Leonetti - Jean-Marie Le Méné : la France est-elle devenue eugéniste ?

Interventions de Jean-Marie Le Méné dans Libertépolitique.com
Bioethique – Jean-Marie Le Méné, président de la Fondation Jérôme Lejeune:
"La loi transgresse plus et protège moins"
Des progrès majeurs dans le traitement de la Trisomie 21 (7Avril 2011)
L'Embryon, l' "UN DE NOUS" (One Of Us)
Recherche sur l'embryon humain - Interview du Professeur Alain Privat
Débat autour de l'actualité scientifique (France Inter) -
La trisomie 21 avec Jean-Marie Le Méné

Le diagnostic préimplantatoire fait débat en Europe
Pour que l’eugénisme ne devienne pas un droit de l’homme
« Le bébé médicament », bébé du double espoir ou du double tri ?
Le diagnostic prénatal engendre-t-il une nouvelle forme d'eugénisme ?
L’eugénisme n’est pas un droit de l’homme (Fondation Lejeune)
Handicap: l'accueil des plus fragiles dans sa dimension politique
VIDEO avec Henri Faivre, Vice-président de l'OCH
Bioéthique et élections présidentielles 2012
Trisomie 21 : un enjeu éthique Quelle urgence pour les politiques ? ( Les Amis d'éléonore )
CCNE - Lettre aux candidats à la présidentielle de la république Française
Avis du CCNE (Conseil Consultatif National d' Ethique) concernant
l' utilisation des cellules souches issues du sang de cordon ...
Trisomie 21 "Il est encore temps ! Lettres 77 de la Fondation " Jérome Lejeune " de mars 2012
L'assistance médicale à la procréation (AMP) : en quoi consiste-t-elle ?Trisomie 21: des raisons d' espérer....Mur de rires ....
Le Professeur Jérome Lejeune et la Trisomie 21...
Quand l'embryon humain est en jeu...
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Le sang de cordon une réponse éthique - Retour sur le "BB médicament"
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Bioéthique : vers un eugénisme d'État ?
Quand le mépris du droit à la vie des nouveau-nés nous oriente vers une
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mardi 20 janvier 2015

"Débat Derville-Le Mené : L’union est-elle possible dans la défense de la vie ?"










(Source: Famille Chrétienne)


Le président de la Fondation Lejeune, Jean-Marie le Mené, et le délégué général d’Alliance Vita et porte-parole de Soulager mais pas tuer, Tugdual Derville.©S.OUZOUNOFF-CIRIC et P.RAZZO-CIRIC

Le délégué général d’Alliance Vita et porte-parole de Soulager mais pas tuer, Tugdual Derville, et le président de la Fondation Lejeune, co-organisatrice de la Marche pour la vie, Jean-Marie le Mené, confrontent leurs idées sur le début et la fin de vie, à quelques jours de leur mobilisation respective. Entretien croisé.


Le 21 janvier, Soulager mais pas tuer manifeste contre les conclusions du rapport Leonetti-Claeys sur la fin de vie devant le Parlement ; le 25, c’est au tour de la Marche pour la vie de s’approprier ce sujet. Est-il encore possible aujourd’hui de se battre pour une même cause sans faire l’unité ?

Jean-Marie le Mené : La tentation de s’interroger sur l’unité des manifestations ou des événements de contestation de projets de société n’est jamais une surprise. Est-ce que l’on préfère y aller ensemble ou séparés ? En théorie, la recherche de l’unité est défendable. En pratique, elle a rarement lieu. Cette question-là, je l’entends depuis très longtemps. C’est une question habituelle, à laquelle il faut répondre charitablement. La Marche pour la vie du mois de janvier est une institution historique, les personnes ont intégré cette date depuis longtemps. Cette année se rajoute une actualité particulière imposée par le Parlement le 21 janvier.
À l’occasion de ce débat, un autre mouvement décide de faire un happening. Je ne vois rien d’anormal dans cette succession d’événements et de manifestations qui vont dans le même sens, mais qui n’obéissent pas exactement aux mêmes logiques de calendrier.
Nos manières d’agir sont différentes. La manifestation du 25 janvier est une marche d’un point A vers un point B avec une dimension éminemment politique. La démarche de Vita est autre, mais il n’y a pas l’épaisseur d’une feuille de papier à cigarette entre nous sur nos certitudes, nos convictions et même nos doutes.

Tugdual Derville : Une manifestation nationale annuelle et 60 rassemblements dans toute la France, le jour même d’un débat sont deux modes d’action complémentaires. Cela ne doit cependant pas évacuer la question, grave et complexe, de l’unité. Ce qui a présidé à la fondation de Soulager mais pas tuer, au-delà d’Alliance Vita, c’est le souci de l’unité, mais une autre forme d’unité que celle que revendique de façon légitime la Marche pour la vie. Il s’agit de l’unité de toutes les personnes qui sont hostiles à l’euthanasie.
C’est une question d’efficacité : il existe des opposants à l’euthanasie qui ne sont pas hostiles, pour des raisons qui leur sont propres, à d’autres transgressions. Coexistent au fond deux formes d’unité qui ne sont pas contradictoires : une unité de toutes les personnes hostiles à l’euthanasie, qui peuvent s’opposer sur d’autres sujets, et une unité des personnes qui ont des convictions semblables, dans des tonalités sans doute différentes, sur la défense de la vie, de son commencement à la mort naturelle.
L’unité, comme la paix, est un travail qui demande beaucoup de réflexion. Elle ne s’assène pas. Mais en France, je crois que l’on confond trop souvent l’unité avec un fantasme de centralisme démocratique. Au risque de nous laisser enfermer et réduire. Car si on mélange tous les sujets - certains y ajoutant une dimension religieuse -, on réduit nos mobilisations au « plus petit dénominateur commun ».

Si le débat sur l’euthanasie prend de l’ampleur, est-il possible d’imaginer une grande manifestation de rue, la plus large possible ?

Tugdual Derville : Je pense que cette mobilisation unitaire existe déjà au travers de Soulager mais pas tuer, conçue comme ce lieu où tous peuvent s’agréger. Chaque sujet nécessite une coalition la plus forte possible même si ses participants ne sont pas d’accord sur tout. Faut-il des grands mouvements de rue ? Oui. On est déjà au pied de l’Everest, dans la seringue si j’ose dire. En matière d’euthanasie, le risque est monumental. C’est aujourd’hui que ça se joue, et dans les mois qui viennent. Est-ce que nous serons capables d’être rejoints par les Français en masse sur ce sujet ? Oui. Je l’espère. Il le faut. C’est le sens de Soulager mais pas tuer, mouvement qui permet au plus grand nombre d’exprimer avec fermeté sa position contre l’euthanasie sans se sentir exclu ni instrumentalisé par le mélange avec d’autres sujets.

Jean-Marie le Mené : De la part de la Marche pour la vie, il n’y aurait pas difficulté à se mobiliser en cas d’appel général à manifester sur la fin de vie. La question ne se pose même pas. Et peu importe d’ailleurs la bannière. Mais je me méfie des grosses manifestations passe-partout comme celle que nous avons connue le 11 janvier dernier. On ne sait jamais vraiment pourquoi l’on y manifeste, si ce n’est par un vague mouvement d’adhésion et de compassion. Nos marches pour la vie ont un objet très précis : la contestation d’une loi autorisant l’avortement.

Début de vie, fin de vie : même combat ? Faut-il toujours lier les deux sujets ?

Jean-Marie le Mené : La Marche pour la vie a considéré, avec ce qui se passait sur la fin de vie, que la défense de la vie ne se divisait pas. Les deux sujets sont insécables. Le respect de la personne ne se coupe pas en tronçons. On ne peut pas dire : « Je défends la vie à la fin mais pas au début ». À mon sens, il y a encore plus de raison d’être favorable à l’euthanasie qu’il n’y en a d’être favorable à l’avortement. A fortiori, si on accepte de tuer des enfants avant la naissance, il est bien plus facile de considérer comme compassionnel un geste qui mettrait fin à la vie d’une personne malade ou gravement handicapée.
Je comprends la démarche de Tugdual Derville et de Soulager mais pas tuer, mais je suis réservé sur le fait que l’on puisse trouver des personnes qui seraient favorables à l’avortement et défavorables à l’euthanasie. Il en existe peut-être, marginalement, mais cela me paraît tellement incohérent. D’autant plus que l’avortement est l’un des principaux arguments en faveur de l’euthanasie. On le retrouve dans tous les débats parlementaires où l’on entend cette imprécation : « On s’est rendu maître de la vie au début, il n’y a aucune raison de ne pas s’en rendre maître à la fin ». Il faut simplement continuer le mouvement… Intellectuellement et en termes de cohérence, l’exercice que fait Tugdual Derville est très difficile en réalité. À ne pas rappeler les mécanismes du passé, on se condamne à les revivre. Nous sommes d’ailleurs en train de revivre ceux déjà utilisés en 1975 : le terrorisme compassionnel, le monde médical que l’on fait basculer dans le politique, la trahison des élites…

Tugdual Derville : Je peux opiner dans le sens de Jean-Marie le Mené sur l’importance de l’Histoire. Que l’on revendique cette articulation entre début et fin de vie ou que l’on ne la revendique pas pour des raisons de prudence et de respect de nos alliés, je note un point supplémentaire dans la répétition de l’Histoire : la manipulation des mots. Le gouvernement tente en ce moment de changer la définition de l’euthanasie, plus ou moins consciemment d’ailleurs. Il réinvente, avec la sédation assortie de l’arrêt de l’alimentation et de l’hydratation, une euthanasie qui ne dit pas son nom. Cette tentative de créer des mots nouveaux, de changer le sens des concepts ou d’éviter « les mots qui fâchent », comme l’a encore récemment avoué Manuel Valls, n’est pas nouvelle.
Pourtant, autant je respecte et partage les convictions exprimées par Jean-Marie le Mené quand il dit que tout est lié, autant je plaide pour ne pas amalgamer les sujets. Il est même essentiel de pouvoir les distinguer… Cela sert la dialectique de nos opposants de laisser entendre que, puisqu’il y a l’avortement, il doit y avoir l’euthanasie ! De dizaines de milliers de soignants ou de bénévoles sont hostiles à l’euthanasie, sous toutes ses formes, y compris celle de Vincent Lambert. Mais la plupart n’iront pas sur le terrain de l’avortement. Du moins pas aujourd’hui. Peut-être demain ou après-demain.
Je pense qu’il y a un risque à exiger une cohérence absolue en matière de défense de la vie. Cohérence dans laquelle je ne prétends pas être moi-même, parce que le chemin du respect de la vie, de toute vie, est un chemin tellement exigeant qu’il n’est jamais achevé pour quiconque. Je garde donc de la bienveillance pour ceux qui, sur certains sujets, n’ont pas la cohérence que j’essaie de revendiquer, mais qui l’ont peut-être dans des domaines où je ne l’ai pas.

Le gouvernement réinvente, avec la sédation assortie de l’arrêt de l’alimentation et de l’hydratation, une euthanasie qui ne dit pas son nom.Tugdual Derville

Marisol Touraine, qui a annoncé un nouveau projet de loi sur l’avortement à l’occasion des 40 ans de la loi Veil, parlait le 21 novembre du droit des femmes à disposer de leur corps comme d’un combat d’avenir. Jusqu’où les promoteurs de l’IVG sont-ils prêts à aller ?

Jean-Marie le Mené : Jusqu’à l’inutilité de la loi. L’idéal pour eux est qu’il n’y ait même plus besoin de loi : certaines féministes revendiquent la « liberté d’aspiration ». On va se retrouver dans une situation paradoxale où ce sera à nous de « défendre » la loi Veil ! On est sur le point d’arriver dans ces zones dangereuses où il n’y aura plus besoin de justifier quoique ce soit pour avorter. Ne restent plus que la question de l’objection de conscience et celle des délais, derniers obstacles à faire sauter.
L’avortement est devenu une question tellement lointaine que les rares occasions où l’on peut en parler – les dates anniversaire malheureusement nous les fournissent –, doivent être saisies. C’est un sujet qui s’enfouit ; alors même que, étrangement, on utilise beaucoup plus le mot d’avortement aujourd’hui qu’on ne le faisait en 1975.

Tugdual Derville : Je crois qu’il sera impossible de banaliser l’avortement, car c’est une question de vie et de mort. À mesure que les lois essaient de banaliser cet acte, la parole se libère. Je ne suis cependant pas favorable à l’idée d’une politique du pire dont le principe voudrait que l’on tombe très bas pour ensuite se relever. Il faut continuer à travailler ici et maintenant au plus près des personnes concernées, notamment des femmes enceintes.
La ligne stratégique d’Alliance Vita, c’est de sortir l’avortement du silence. En parler pour libérer la parole des femmes et leur permettre de déposer leur peine, afin qu’elles libèrent leur conscience. Beaucoup de femmes sont enfermées dans un silence absolu qui est un silence de mort. La récusation de toute notion de faute ou de péché dans notre société devenue laïcisée les enfonce encore plus dans la culpabilité. Cette attitude d’écoute nécessite de rester sur la ligne de crête où vérité et miséricorde se rencontrent. À nous de maintenir tout à la fois la conscience de la valeur de la vie et ce travail de libération de la parole.

Il a beaucoup été de question de liberté d’expression ces jours-ci. Existe-t-elle quand il s’agit d’avortement ?

Jean-Marie le Mené : Parmi les conséquences de l’avortement, nous constatons une grave perversion du droit et une inversion du vrai et du faux, du bien et du mal, du juste et d’injuste. Les instruments avec lesquels nous faisions respecter le bien, le juste et le vrai sont devenus inopérants. Je prendrais deux exemples significatifs.
Le premier concerne la vidéo « Dear future mom » qui a fait l’objet d’une sorte de censure de la part du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA). En remontant la filière, nous avons découvert en réalité qu’il n’y avait eu aucune plainte de l’extérieur, comme le CSA l’avait invoqué, mais que celle-ci avait été formulée par certains de ses membres de sexe féminin dont la conscience se trouvait visiblement réveillée. Le message qu’a envoyé le CSA est d’une violence inouïe ! Au nom du féminisme et de l’avortement, les survivants d’interruptions de grossesse (97% des trisomiques sont avortés, Ndlr) n’auraient pas le droit de prendre la parole pour dire qu’ils sont heureux, car ceux qui ont accepté l’avortement ou procuré l’avortement pourraient le regretter ? Si des personnes touchées par la trisomie 21 veulent faire de la danse, qu’ils le fassent dans une cave ou dans des catacombes, mais pas à la télévision ! Il y a là un totalitarisme qu’il faut absolument dénoncer. Au nom de quoi le féminisme imposerait-il la possibilité d’interdire la parole à une catégorie de personnes ? C’est une perversion du droit.
Le second exemple porte sur une autre de nos campagnes – « Vous trouvez ça normal » – lancée à l’occasion de la légalisation de la recherche sur l’embryon en 2013. Au nom de l’avortement, nous n’avions pas le droit de prendre la défense de la vie des embryons et nous avons été condamnés. « Si vous dites que l’on peut protéger l’embryon sur la paillasse d’un chercheur, c’est donc que l’embryon est un être humain et que l’avortement est illégitime. » Le raisonnement était imparable.

Tugdual Derville : L’avortement est le sujet tabou par excellence. Dans notre société, c’est devenu un véritable secret de famille. Un énorme déni s’est établi autour de sa réalité, source et signe d’un profond sentiment de culpabilité chez beaucoup des femmes qui l’ont vécu. D’où cette nécessité de les écouter pour les aider à dépasser ces actes qui peuvent les éprouver durablement. Je suis en colère contre l’absence d’assistance à toutes ses femmes qui pleurent et qui « n’ont pas le droit de souffrir ». Car, à cause de ces souffrances interdites, d’autres problèmes s’enkystent et déboulent en cascade : auto-dévalorisation, angoisses, difficultés relationnelles…

Doit-on faire un lien entre démographie et avortement ?

Jean-Marie le Mené : Je trouve d’une inconscience vertigineuse et d’une irresponsabilité totale de ne jamais poser la question des conséquences démographiques de l’avortement. Jérôme Lejeune avait déjà prédit il y a quarante ans cet hiver démographique, dont nous savons aujourd’hui qu’il est compensé par une immigration de masse. Je suis scandalisé par cette moralisation excessive de l’avortement au point d’en oublier sa dimension politique. L’écoute des femmes est certes importante, mais elle ne représente qu’un des pans de l’avortement. Or, celui-ci n’est pas pour rien dans le basculement de civilisation que nous sommes en train de vivre. Je pense même que l’avortement y était à dessein : son objectif n’était pas seulement de libérer la femme, mais de faire évoluer notre société, de la laïciser pour la faire basculer dans un champ qui n’était plus celui de la France chrétienne d’après-guerre. La démographie ne se limite pas au début de la vie, elle concerne aussi la fin de vie. Quand un pays tue ses enfants, il tue son avenir ; quand un pays tue ses parents, il tue son passé. Un pays qui tue son passé et son avenir, il ne lui reste rien.

Tugdual Derville : L’impact démographique existe, effectivement. Pas sur la totalité du chiffre de l’avortement, mais sur une partie tout de même. Malgré le déni du planning familial qui parle de naissances différées, la raison seule suffit, avec quelques données chiffrées, pour prouver les conséquences de l’avortement sur la démographie. Beaucoup de femmes avortent par soumission à leur compagnon qui promet, lorsqu’il sera prêt, qu’ils auront un autre enfant ensemble. Or fréquemment – mais pas automatiquement –, l’avortement provoque une rupture du couple. Cet enfant qui n’est pas accueilli, signe la séparation de ses parents ! Prétendre que les naissances ne sont que différées est absurde.
Je suis d’accord avec Jean-Marie le Mené lorsqu’il dit qu’il ne suffit pas de parler de l’avortement sous l’angle des femmes, mais ne sont-elles pas « sanctuaires de l’invisible » ? Passer par elles, c’est traiter le sujet en grande vérité car le corps ne ment pas. En passant par les femmes, nous nous protégeons des postures idéologiques coupées du réel.

Je trouve d’une inconscience vertigineuse et d’une irresponsabilité totale de ne jamais poser la question des conséquences démographiques de l’avortement.Jean-Marie le Mené

François Hollande évoque une prochaine loi de consensus sur la fin de vie, tandis que Manuel Valls parle de « paliers progressifs ». Ne sommes-nous pas en train de nous faire rouler par le gouvernement ?

Tugdual Derville : Je ne sais pas si l’on peut parler d’un double jeu de l’exécutif, car Manuel Valls et François Hollande tiennent le même discours en promettant un consensus devant le Parlement. Par contre, le fait d’avoir confié à Jean Leonetti (UMP) la révision de sa propre loi – qui n’a pas besoin d’être révisée mais d’être connue et appliquée sauf dans ses égarements –, est un coup politique qui risque de piéger l’actuelle opposition.
Je remarque tout de même que Bernard Accoyer, médecin et ancien président de l’Assemblée nationale, ou encore le Pr Bernard Debré se sont prononcés clairement contre ce rapport et la forme d’euthanasie que représente la « sédation profonde et continue jusqu’au décès ». Il s’agit pour nous de résister à un projet qui essaie de s’imposer par un pseudo-consensus alors qu’il biaise le débat en évitant les mots qui fâchent. Nous sommes donc confrontés à la nécessité d’expliquer aux Français des choses complexes.

Jean-Marie le Mené : Puisque le mot « euthanasie » n’est pas dans la loi, on pense l’éviter. Je regrette d’ailleurs le discours de la conférence épiscopale qui s’est dit soulagée que le rapport Leonetti-Claeys « n’entre pas dans l’euthanasie ». C’était une erreur. Était-elle entretenue ou naïve ? Je ne sais pas. Je regrette également que la conférence épiscopale semble adopter une position politique de repli adossée à la loi Leonetti quand on sait les dérives que cette loi porte en elle, comme le démontre l’affaire Vincent Lambert. S’aventurer sur ce terrain politique me paraît imprudent. Que des parlementaires de l’opposition défendent la loi Leonetti, pour ne pas aggraver les choses, soit. La politique est l’art du possible. Mais il n’est pas juste, d’un point de vue magistériel, que l’Église érige en référence une loi qui permet de tuer Vincent Lambert.
Rappelons que la loi Leonetti était déjà un premier pas franchi vers une euthanasie déguisée puisqu’elle définissait l’alimentation et l’hydratation comme des traitements. Comment voulez-vous que l’Association pour le droit de mourir dans la dignité (ADMD) ne se saisisse pas d’un scandale pareil qui consiste à débrancher les gens au risque de les mettre dans un état d’inconfort avéré et d’empêcher qu’ils ne demandent une sédation jusqu’au décès ? Leonetti a fait le premier volet de la loi, et l’ADMD fera le second pour des raisons « humanitaires ».

Cette manière de légiférer par paliers successifs est-elle consciemment voulue, planifiée ?

Jean-Marie le Mené : Les politiques se doutent bien qu’ils doivent y aller doucement. Il y a des chambres d’enregistrement, des jardins d’acclimatation de la transgression comme le Comité consultatif national d’éthique (CCNE). Ce n’est pas conscient de la part de Pierre, Paul ou Jacques, mais il y a une espèce de conscience collective qui va dans ce sens-là, qui pense que « la vie est un matériau à gérer » comme l’a bien expliqué le franc-maçon Pierre Simon. Je suis absolument convaincu qu’il y a une dimension gestionnaire et financière derrière cette question de l’euthanasie. C’est durant les trois dernières années de notre vie que l’on coûte le plus cher. On ne pourra pas faire face au coût de la fin de vie. La société estime qu’elle ne peut pas faire autrement que de réguler cette période de la vie. Je pense que la dimension financière est très importante et que nous ne sommes qu’au commencement d’une mécanique infernale qu’il faut déjouer.

Tugdual Derville : Je vois en France un double paroxysme. D’un côté, ce jeu de dominos qui fait que, petit à petit, les choses se délitent de façon quasi-systématique, et, de l’autre et en même temps, un mouvement d’humanisation, de progrès. Je pense à ces centres spécialisés pour les personnes en état neuro-végétatif ou pauci-relationnel, à la créativité et à l’engagement des soignants auprès des personnes malades ou handicapées. Notre société est prise dans une incohérence, une ambivalence. Plus ce paroxysme avance, plus ses contradictions éclatent. Comment peut-on à la fois tout faire pour exclure les personnes porteuses de handicap avant la naissance et tout mettre en œuvre pour qu’elles prennent leur place dans notre société ? Refusant la désespérance, je préfère me réjouir du bien, et l’encourager… Il reste que nous allons doucement mais sûrement vers un nouveau choix de société : défendre l’homo sapiens basique et vulnérable contre le fantasme d’un cyborg puissant et dominateur. Là aussi, il faudra unir très largement pour résister.

Antoine Pasquier

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Euthanasie: 10 ans d’application de la loi en Belgique (Mai 2002- 2012 )
Les AFC rentrent en campagne, pour une politique soucieuse des plus fragiles
Alliance Vita continue son "Tour de France de la solidarité" - #VITATour
Alliance Vita lance son "Tour de France de la solidarité"
Pourquoi la question de la fin de vie est-elle si politique ? avec Tugdual Derville
Tugdual Derville sur RCF au furet du nord de Lille - "Tour de France de la solidarité"
France Catholique: La tentation de l' Euthanasie, enjeu majeur de l' élection présidentielle
Fin de vie, faut il une nouvelle loi ? avec Tugdual Derville sur BFMbusiness




Archives du blog Avortement / Embryon:


De la recherche éthique avec les cellules souches embryonnaires… de sourisDécouverte de nouvelles cellules souches: les cellules STAP
(Fond Lejeune 29 Janvier 2014)
Les risques éthiques et philosophiques des cellules STAP
(Famille Chrétienne 26 fev 2014)

Rencontre avec le professeur Jérôme Lejeune :
"Pourquoi êtes-vous contre la pilule abortive"
Nouveaux tests de dépistage de la trisomie 21 :
états des lieux des protocoles de recherches en France (5 Octobre 2012)

CEDH : l’Italie forcée au DPI ? (AllianceVITA - 28 Aout 2012)
Vers une généralisation du nouveau test de dépistage de la trisomie 21 (3 Aout 2012)
Traiter la trisomie 21 : L'ère des essais clinique (1er Mars 2012)
Dépistage précoce de la trisomie 21 (allianceVita -19 Dec 2011 )
Trisomie : espoir de traitement (21 Nov 2011)
Généthique.org ( 20 oct 2011 )
Débat Jean Leonetti - Jean-Marie Le Méné : la France est-elle devenue eugéniste ?

Interventions de Jean-Marie Le Méné dans Libertépolitique.com
Bioethique – Jean-Marie Le Méné, président de la Fondation Jérôme Lejeune:
"La loi transgresse plus et protège moins"
Des progrès majeurs dans le traitement de la Trisomie 21 (7Avril 2011)
L'Embryon, l' "UN DE NOUS" (One Of Us)
Recherche sur l'embryon humain - Interview du Professeur Alain Privat
Débat autour de l'actualité scientifique (France Inter) -
La trisomie 21 avec Jean-Marie Le Méné

Le diagnostic préimplantatoire fait débat en Europe
Pour que l’eugénisme ne devienne pas un droit de l’homme
« Le bébé médicament », bébé du double espoir ou du double tri ?
Le diagnostic prénatal engendre-t-il une nouvelle forme d'eugénisme ?
L’eugénisme n’est pas un droit de l’homme (Fondation Lejeune)
Handicap: l'accueil des plus fragiles dans sa dimension politique
VIDEO avec Henri Faivre, Vice-président de l'OCH
Bioéthique et élections présidentielles 2012
Trisomie 21 : un enjeu éthique Quelle urgence pour les politiques ? ( Les Amis d'éléonore )
CCNE - Lettre aux candidats à la présidentielle de la république Française
Avis du CCNE (Conseil Consultatif National d' Ethique) concernant
l' utilisation des cellules souches issues du sang de cordon ...
Trisomie 21 "Il est encore temps ! Lettres 77 de la Fondation " Jérome Lejeune " de mars 2012
L'assistance médicale à la procréation (AMP) : en quoi consiste-t-elle ?Trisomie 21: des raisons d' espérer....Mur de rires ....
Le Professeur Jérome Lejeune et la Trisomie 21...
Quand l'embryon humain est en jeu...
couper le cordon... et le stocker
Le sang de cordon une réponse éthique - Retour sur le "BB médicament"
l' Espérance du Sang de cordon pour la recherche de demain.
FIV: vers un eugénisme "naturel" !
Sélect°, sélection, Sélection, SELECTION…
Bioéthique : vers un eugénisme d'État ?
Quand le mépris du droit à la vie des nouveau-nés nous oriente vers une
" légitimisation de l'infanticide "








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